Chéri Bibi
Tu pars en week end à Biarritz, il faut absolument que tu ailles manger à Chéri-Bibi…Banco, coup de fil, résa pour deux samedi à 19 heures, youpi, y’a plus qu’à. La transhumance des chefs, des grandes villes aux paisibles paysages, bat son plein à Biarritz. Ce déménagement culturel n’est pas pour déplaire notamment quand la rencontre se fait belle, comme celle avec Chéri Bibi. Adrien Witte et Augustine You débarqués de Copenhague, pandémie oblige, ont trouvé ou jouer leur partition en mode virtuoses avec leur orchestre bien accordé. L’approche est très trentenaire, murs bruts, tables en bois, couteaux Pallares, gobelets bodega, verres à vin siglés, serviettes en papier recyclé, la carte est courte et bien gaulée «: Snacks » pour attendre la suite, 4 lignes, « Légumes et Céréales » pour commencer l’épopée, 5 lignes, Viande Poisson et Crustacés pour terminer l’ascension, 3 lignes, Fromage et Desserts pour un atterrissage en douceur, 3 lignes. « Notre concept est de choisir les assiettes comme bon vous semble sans vous soucier d’entrées de plats, on vous guidera pour les quantités, tout est à partager »…Oulala pourvu que la caricature des petites assiettes à partager et des vins natures du 11ème n’a pas déteint jusque la. L’assemblage de 3 ingrédients pour en faire un plat étant devenu norme, voila que l’on prend peur. Haricots verts, aubergine, labneh et olives kalamata (15 euros) : paf, la simplicité devient unique, ce que l’on pensait de l’assemblage devient grande cuisine, l’équilibre dans les textures et les gouts dansent sur une sky line bien tendue, c’est percutant, généreusement gourmand, pas envie de partager. Crevette impériale de Charente, maïs doux grillé, fleur de sureau et shiso (18 euros) : un plat de condamné qui efface tout ce que l’on a mangé jusqu’à présent, on rêve de s’endormir dessus comme un doudou que l’on chérit, c’est doux, moelleux, croquant, acidulé, on navigue entre l’acidité d’une huile de carcasse, la volupté d’une crème de maïs, les grains en échos, les crevettes brulées à la flemme, qui font offices de dessous en soie, le sureau qui vient nous attendrir, whaou, la classe, je dis de suite bravo. Variétés de courges, blettes, algues du Croisic et beurre blanc (16 euros) : encore une fois la magie opère, ou plutôt le talent s’exprime, le jeu de cache cache, douceur-fraicheur, bat son plein on ne veut pas qu’il s’arrête. Rigatonis sauce épinard, pecorino & parmesan 24 mois (18 euros) : un plat plus consensuel, délicieux au demeurant mais plus calme que les précédents, une parenthèse finalement rassurante pour un nouveau départ en fanfare. Curry de volaille Aradoa, carottes rôties, pommes de terre, cébettes et beurre de cacahuètes (22 euros), si vous pensiez connaitre la recette du curry avant d’avoir gouter celui-ci et ben croyez moi vous faites erreur, tout s’emboite comme un puzzle parfait, la peau croustille, la viande locale fond, les légumes existent, la sauce aux cacahuètes vient bénir cette union sacrée, nouvelle claque pour un maso qui en redemande. Pana cotta aux blancs d’oeuf, reine des prés et pomme brûlée (9 euros) : du jamais goutté dans l’assiette qui navigue dans un bonheur parfait, on flotte sur cette gourmandise absolue, comment décrire l’émotion ? pas de réponse ! Comment la vivre ? en prenant le deuxième dessert ! Sorbet à l’amande blanche, chouchou amande et garam massala (9 euros) : no comment, la larme n’est pas loin. La carte des vins est bien évidemment nature à des prix bien tenus, verre d’Alsace de macération pour notre part à trois francs six sous, la vie est belle, très belle, surtout quand elle te percute comme ce jour. Si la cantoche du bagne de Chéri Bibi régale aussi bon, je veux bien prendre perpète…104 euros à deux, le père Noël existe, je l’ai rencontré et il m’a fait à manger. Robert Plancton