Un bon restaurant
Ce qui frappe d'abord, c'est la qualité de la lumière. En été sur la terrasse, la plus belle de Paris, à l'ombre des grands arbres des jardins des Champs-Élysées, ombre et fraîcheur. L'hiver dans la grande salle à manger, derrière les baies vitrées, quand le pâle soleil bas plonge dans votre verre. C'est sans équivalent dans la haute gastronomie parisienne. Comme la qualité de l'accueil le dispute à la compétence hors catégorie de la sommellerie, passons directement à l'assiette. Visconti, dans Le Guépard, faisait dire à Tancrède, son héros incarné par Alain Delon, cette ligne devenue culte : "Il faut que tout change pour que rien ne change". Quand Alain Pégouret, l'emblématique chef du Laurent a décidé de donner un autre tour à sa carrière après des années aux commandes des cuisines, ils n'ont pas cherché à reproduire l'existant. Ils ont préféré un jeune homme, Justin Schmitt. Pour lui, l'enjeu est de taille et le brief, simple. Renouveler le genre sans effrayer une clientèle (affaires et politiques) habituée à un certain confort gustatif. Ce qui fut fait avec allant. On est toujours au Laurent, et ce n'est plus la même chose. Mais c'est presque pareil. Bref, c'est bien joué. Le menu à 95 € est semblable à lui-même, on sort de table sans avoir faim et sans excès, l'après-midi peut commencer. La carte des vins va du raisonnable à l'infini et la recommandation du sommelier tient compte de vos assiettes comme de vos désirs ou de la météo du jour. On ne boit pas la même chose tout le temps. Dans la pérennité tranquille de la prestation, dans l'inventivité des débuts que le chef va apprendre à maîtriser, dans l'immensité et la curiosité de la cave, le Laurent mérite sa réputation. Sans oublier un service voiturier de premier ordre.